Je continue à publier mes candidatures après celle transmise au Président de la Communauté de Communes du Pays Bigouden Sud (qui
n'a pas encore reçu de réponse). En voici une deuxième, où je réponds à une offre de poste de DGS de la commune de Rosporden, 7500 habitants, dans le Finistère. En fait, vous
allez lire ce qui ce n'est pas tout à fait encore une candidature auprès d'un maire élu avec son équipe le 3 juillet 2016.
Cette fois-ci, je fais juste quelques lignes de
préambule et je mets directement ci-dessous la lettre adressée
au maire de Rosporden. La publication de ma première candidature a connu un certain succès d'audience.
J'ai compris que nombre d'entre vous, même si finalement je n'ai
reçu pratiquement aucun signe d'hostilité à ma démarche, estiment
que j'agis avec beaucoup de culot. Je reconnais une part de
provocation dans ma façon de faire. Mais je tiens à faire passer
auprès des élus, et davantage encore auprès de mes collègues,
qu'il n'y a pas de hiérarchie à supposer ou à accepter entre la
fonction élective et la fonction administrative. Les légitimités
politiques et professionnelles sont de nature différente, elles sont
à articuler par un contrat libre et public, et non à subordonner.
Dans la situation actuelle de crise de la représentation
démocratique, j'invite mes camarades DGS à revoir leur
positionnement et à agir pour lever le soupçon, qui pèse désormais
sur eux, d'intégrer une oligarchie aux yeux des citoyens. Cette crise dénonce une rupture du principe d'égalité entre les citoyens et une élite composés d'élus, d'experts et d'administrateurs. Admettre
le principe de la soumission du DGS à l'exécutif, comme je le lis parfois, est une façon
détournée de valider cette rupture d'égalité démocratique, et d'admettre discrètement par la même occasion la multiplication des
rotations de fonctions entre élus et hauts fonctionnaires
territoriaux qui sont le propre de l'entre-soi oligarchique.
Voici donc, la lettre adressée au nouveau Maire de Rosporden :
Monsieur le Maire,
J'ai pris connaissance de votre offre d'emploi sur le poste de DGS
paru sur le site web de la Gazette des communes et je viens vous
offrir mes services, ce qui ne signifie pas forcément que je me
porte candidat. Je viens vous expliquer par la présente la nuance.
Et c'est pour moi une façon d'entamer un vrai dialogue avec vous,
d'être vraiment sincère et de vous laisser apprécier si je puis
vous être utile ou non.
Vous pourrez voir sur mon CV joint que j'ai une expérience
significative du poste de DGS et de la collaboration avec les élus
locaux, sous des angles variés qui ne se limitent pas au métier de
DGS. J'habite à CXXX depuis
quelques mois, je suis disponible, j'ai conscience de l'inconfort de
votre situation et il est à mes yeux essentiel que vous usiez
– comme j'en use moi-même, vous allez vite le vérifier - de la
plus grande liberté pour que notre échange fasse sens.
Pour l'instant, je sais que Rosporden est dans une situation
atypique avec les élections qui ont eu lieu au début de l'été
2016. Une antenne bien informée (hors de vos murs) m'a dit que le
personnel vit un certain désarroi depuis 2 ans. L'annonce d'offre
d'emploi ne m'a rien appris d'utile, vous ne faites pas plus mal que
les autres mais pas mieux et c'est déjà un problème !
Les 6 premiers mois pour les nouveaux membres de l'exécutif, pour
le maire mais aussi pour les adjoints, sont cruciaux. C'est dans
cette période de découverte que vous vous faites votre place ainsi
que votre image auprès des personnels. Mon expérience territoriale
dit que la plupart des élus s'installent dans les interstices que
laissent l'administration municipale. Ces interstices sont plus ou
moins amples, suivant les circonstances locales, et il est ensuite
assez difficile de recadrer les rôles respectifs. Vous êtes en
situation de fragilité parce que vous ne maîtrisez pas encore votre
environnement et vous êtes en train de dessiner votre rôle. J'en
viens au fait essentiel : je suppose a priori qu'il n'est pas
aisé pour vous de cadrer avec pertinence la relation avec un nouveau
DGS, c'est trop tôt. En plus, vous avez un mandat réduit à 4 ans,
pas facile !
Bien évidemment, avec 25 ans d'expérience de mon côté, j'ai eu
le temps de me forger quelques idées sur la question. Dans votre
cas, en général, les nouveaux élus attendent surtout du DGS une
réassurance par l'apport de la sécurité juridique aux procédures
municipales dans le domaine financier, de la gestion des personnels
et de la conduite de projets. Un DGS est là pour ça, tous les
personnels sont là pour ça. Cette attente est légitime.
Mais cela ne suffit pas. Où est l'âme de Rosporden ? Quelle
est la raison d'être de tous ces services municipaux déjà
existants, faut-il les diminuer, les augmenter ou les réorienter?
Que veulent les Rospordinois ? Les candidats DGS n'en savent
rien, en plus ce n'est pas le travail du DGS, il n'a aucune
légitimité politique pour ce décryptage, mais il a besoin de
savoir.
Si je refuse d'afficher ma candidature à ce jour, c'est parce que
j'estime indispensable que nous soyons d'accord sur la règle
fondamentale de collaboration suivante : la mairie n'a pas
d'importance primordiale, ce qui compte d'abord c'est la raison
d'être collective de la population du territoire municipal, le rôle
des élus est d'écouter, et éventuellement d'interpréter, où les
Rospordinois veulent aller. Quant au DGS, son rôle est d'écouter
les personnels municipaux et de les soutenir avec une vision globale
nécessaire à la mise en œuvre des réponses techniques à la
volonté générale rospordinoise.
Le CGCT ne dit pas qu'il est nécessaire d'avoir des principes et
des règles internes de fonctionnement dans une commune. Je viens
vous dire qu'une relation contractuelle et transparente est
fondamentale pour que la démocratie locale fonctionne véritablement.
Pour le dire autrement, je ne souhaite pas travailler avec des élus
qui se prennent pour des décideurs, je ne suis pas un DGS qui
souhaite non plus commander les agents. C'est tout un travail de
faire émerger la volonté générale, y réfléchir vraiment vous
fera sans doute vite prendre conscience, si ce n'est déjà fait, que
vous êtes bien démunis pour que « l'âme rospordinoise »
s'exprime. Ce n'est très pas grave, l'essentiel est que vous ne
démissionniez pas de cette fonction politique. Le DGS doit mobiliser
les savoir-faire et les développer, il sera confronté lui aussi à
des demandes de décisions et d'arbitrages de la part du personnel,
ce n'est pas grave non plus. Tout le monde est habitué à vivre avec
des chefs, cela a façonné les comportements sociaux, il faudra
continuer à décider un peu mais c'est un pis-aller et le but est de
s'en libérer.
Je suis venu vous dire que la démocratie, ce n'est pas le fantasme
du pouvoir. Dans le réel, j'ai fait quelques centaines de séances
en bureau municipal qui me permettent de vous en assurer, personne
n'aime décider. Soyez soulagés, la démocratie est l'art de mettre
en commun la décision et d'avoir à la porter le moins possible tout
seul.
Sans doute suis-je un messager bien singulier. Faute de bons rails
et d'une vision claire de ces questions du rapport entre le pouvoir
et la démocratie, faute d'expérience tout simplement, beaucoup de
vos collègues élus se trompent. Les nouveaux élus vivent dans le
doute de leurs compétences, c'est une situation inconfortable mais
saine. Alors la tentation est grande de s'installer dans les
interstices de l'administration locale qui vous tendent les bras, de
plonger dans les responsabilités de chefs, en surplomb des
responsables administratifs et du DGS… et de tourner le dos à
votre fonction de représentant des citoyens. L'élection ne vous
donne ni capacité ni compétence professionnelle d'administrer, elle
vous donne le devoir d'animer le débat public. Bien entendu,
l'administration municipale peut et doit être mise à contribution
pour soutenir cette animation du débat public mais c'est une
collaboration, ce qui ne se confond pas avec un rapport hiérarchique.
J'ai décidé de publier mes candidatures sur mon blog et sur les
réseaux sociaux et les réponses qui leur sont faites, je ferai de
même pour cette lettre. Je brise les habitudes de confidentialité
des recrutements de DGS, parce que la transparence est due au patron
ultime, la communauté des citoyens.
Ne vous laissez pas aller au formatage, votre annonce d'offre
d'emploi est peut-être déjà un indice du poids de la tentation.
N'ayez pas peur, méditez, dialoguez, je vous livre une véritable
vision de ma fonction. Je n'envisage pas de vous l'imposer, je suis
disposé en revanche à me rendre disponible, bien au-delà d'une
séance devant un jury de recrutement, si vous me le demandez, d'une
part parce que je vous imagine sous la pression de différentes
urgences et d'autre part parce que si vous recevez pleinement le
message que je vous transmets par la présente un mûrissement est
probablement pertinent.
Veuillez croire, Monsieur le Maire en l'expression de mes sincères
salutations.
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